Jeune ville de 800 ans, née au Moyen Âge du rapprochement de bourgades dirigées par les Ascaniens et leur chef Albert Ier l’Ours (d’où peut-être l’origine du blason de la ville), puis se développant grâce au commerce à l’origine de son premier essor, Berlin passe ensuite sous le contrôle des Margraves de Brandebourg, qui favorisent l’alliance avec la Hanse.
Au XVIe siècle, après la Réforme luthérienne, cette cité accueille les protestants fuyant les exactions des catholiques et est alors portée au plus haut par la grande famille des Hohenzollern.
Déchirée par la Guerre de Trente Ans, cette ville, magnifiquement redressée par la dynastie des “Frédéric” de Prusse, connaît un admirable renouveau culturel tant par la littérature, avec Gœthe, que par la musique, partie intégrante de l’âme germanique.
À nouveau dévastée par les guerres napoléoniennes, puis réunifiée après le Congrès de Vienne et l’Unité allemande, elle est très vite brisée par la Première Guerre mondiale. La crise de 1929, dont les socio-démocrates sont rendus responsables, amène le régime nazi au pouvoir.
À peine relevée, Berlin est encore bombardée, divisée, ruinée et enfin rassemblée !
Berlin, jamais épargnée, toujours renouvelée, Berlin, tombée sept fois, relevée huit fois, est une cité de la diversité, une capitale inachevée à l’architecture polymorphe allant du gothique au baroque (château de Charlottenburg), du rococo (château de Sans-souci) au postmoderne, en passant par le néo-classique avec la Porte de Brandebourg, l’école de K.F. Schinkel tout au long de l’avenue Unter den Linden, sans oublier le Bauhaus à l’origine de toute notre architecture contemporaine.
Huit fois plus grande que Paris et deux fois moins peuplée, avec plus d’un tiers de sa superficie en espaces verts, parcs, lacs et forêts, ainsi voulue dès 1920 par un médecin soucieux de la bonne santé des Berlinois, ville verte toujours en mutation, évoluant sans cesse au rythme des saisons, Berlin dégage une joie de vivre apaisée, malgré les vicissitudes qu’elle a connues.
Dienstag – Mardi 19 mai 2015.
Après un vol quelque peu bahuté, nous arrivons vers 16 heures à l’hôtel Ramada, point de rencontre de l’ensemble des lycéennes, pour notre enregistrement : accueil chaleureux, très organisé, où l’on prend tout de suite la mesure de l’efficacité de nos amies berlinoises.
Dorette Schuppert, Présidente du Lyceum de Berlin, nous accueille dans l’un des musées en pleine rénovation, dont la visite se poursuivra jusqu’à 20 heures.
Mittwoch- Mercredi 20 mai 2015.
Départ à 9 heures 30 pour un sightseeing de la ville.
Toutes les lycéennes francophones – suisses, belges et françaises – se retrouvent enrubannées de rouge, couleur de reconnaissance, prêtes à monter dans des cars assortis d’une affiche rouge.
Notre très jeune conférencier nous guide tout autour de la ville et nous en fait découvrir les principaux monuments, places et artères, de l’Ouest à l’Est.
Il nous retrace les grandes lignes de l’histoire de la ville, construite à l’origine sur un terrain marécageux, d’où son nom “Berlin”, signifiant un marais. L’avenue que nous parcourons était au tout début une zone de chasse, marquée par un petit sentier en forme de digue, qui deviendra bien plus tard cette magnifique avenue des Princes Électeurs, appelée maintenant le Ku’damm (digue des vaches), où sont situés l’Institut français ainsi que le célèbre Café Krausler.
Nous passons devant l’Église du Souvenir, dont il ne reste que quelques pans, terrible témoignage de la violence des bombardements. Elle est maintenant entourée de deux tours, œuvre d’Egon Eiermann, volontairement bâties en octogone “forme sacrée”, et éclairée sur toute la hauteur de vitraux “bleu de Chartres”, qui rendent une lumière quasi céleste.
Nous longeons des murs ornés de photos gigantesques de la Capitulation et de la Reconstruction. À la lueur de toutes ces différentes expressions du drame de la guerre, on peut mesurer l’énorme travail de souvenir et d’acceptation effectué par les Berlinois et saisir à quel point ce drame reste présent, y compris, et peut-être surtout, pour cette jeune génération qui n’a pas vécu la guerre.
Poursuivant notre route, nous regardons avec perplexité l’Arc de Cercle offert par Jacques Chirac pour les 750 ans de la ville, symbolisant la latitude que partagent Berlin et Paris.
Nous arrivons aux derniers pans du Mur, se dressant sur un terrain volontairement laissé nu et montrant, marqué au sol par une rangée de pavés, le no man’s land qui existait entre les deux rangées de barbelés, où tant d’hommes et de femmes ont perdu la vie.
En longeant le canal, nous arrivons au Ministère de la Défense, où furent enfermés, puis fusillés le général von Stauffenberg et ses amis, puis traversons le quartier des Ambassades, passons devant la Philharmonie toute récente, œuvre de Hans Scharoun… et voici l’île aux Musées que nous aurons l’occasion de visiter le lendemain, la Bibliothèque Nationale, œuvre de Mies van der Rohe, puis la Potsdamer Platz et le magnifique Sony Center à l’architecture lumineuse, représentation symbolique du Fujiyama.
Nous laissons derrière nous le Checkpoint Charlie et arrivons à la Porte de Brandebourg, surmontée de son célèbre quadrige, emporté en 1806 par Napoléon, puis ramené à Berlin en 1815.
Nous sommes à l’Est et il est frappant de voir la différence architecturale extrêmement marquée entre les deux parties de la ville. L’Est, ancien centre architectural et culturel de la ville, a souhaité une reconstruction dite “historique” de ses bâtiments à l’identique, alors que l’Ouest a voulu exprimer sa liberté dans un choix architectural contemporain.
Durant ce parcours, longue marche dans cette histoire terrible qui fut aussi la nôtre, une émotion certaine nous envahit et un court arrêt est le bienvenu.
Au retour, nous passons devant les Galeries Lafayette, dont l’architecture est de Jean Nouvel, puis devant l’Église des Français datant de 1705 et faisant face à l’Église allemande. Nous arrivons à la fameuse avenue Unter den Linden, “Sous les Tilleuls”, qui relie le Parc zoologique au Palais Impérial par la Porte de Brandebourg.
La statue équestre de Frédéric le Grand précède la place de l’Autodafé de 1933, remarquablement symbolisé par une grande plaque de verre couvrant de grandes étagères vides.
La Caserne de Schinkel et l’Arsenal nous ramènent dans l’île aux Musées. L’église Saint-Nikolai nous ravit de ses clochers très byzantins. Nous admirons le contraste voulu entre le Reichstag et sa coupole futuriste, et… il est temps de partir pour Charlottenburg afin d’embarquer pour une promenade en bateau sur la Spree, où nous aurons, tout en dînant, le temps d’admirer l’autre côté du “miroir”.
Le soleil couchant rougit le ciel encore “bleu Berlin”, ce bleu particulier à la fois mat et profond. De chaque côté des rives ombragées de la Spree, les plages vertes sont animées de rires colorés de Berlinois savourant tranquillement la fin de la journée.
C’est le moment si doux où le jour le cède à la nuit qui avance tranquillement déjà piquetée d’étoiles et des lumières de la ville. Twinkle, Twinkle Little Star … Les stars, ce sont nos amies lycéennes heureuses de se retrouver pour partager ces temps rares au cours desquels on rit en français, en anglais, en allemand, et l’amitié qui y règne est universelle.
Donnerstag- Jeudi 21 mai 2015.
Réception officielle de notre Groupe Culturel par Mme Schaadt, compagne du Président de la République.
Nous nous retrouvons vers 11 heures à l’Église Sainte-Élisabeth, entièrement réhabilitée, mais volontairement laissée dans son jus de briques roses et brutes, ce qui lui donne le charme de l’inachevé.
Quelques mots de bienvenue de Mme Schaadt, simple et charmante, puis de Dorette Schuppert, Présidente du Lyceum de Berlin, et, enfin, de Ingrid von Rosen, notre Présidente Internationale.
Une photo d’ensemble est prise sur les marches avant le délicieux cocktail qui s’ensuit.
C’est là que quelques-unes oublient le coffee-break pour se rendre au Pergamon. Incontournable musée archéologique, véritable bond en arrière de presque 2000 ans, choc culturel, s’il en est, par la beauté des monuments et leurs dimensions colossales !
On ne parle plus de sculptures, nous sommes dans le “monumental” : la Porte d’Ishtar qui marquait l’entrée de l’ancienne Babylone, les soubassements du Palais de Mshatta, l’autel de la ville grecque de Pergame, la porte gigantesque du marché de Milet. Tous ces monuments ont été démontés et remontés tels quels à l’intérieur du musée à partir de 1871, date à laquelle l’empire allemand a décidé de rapatrier une très grande partie des fouilles archéologiques faites au Moyen Orient. (Bien leur en a pris ! Ces chefs d’œuvre sont au moins sauvés.)
Nous entrons dans Babylone, marchons avec les Perses, caressons les lions du Palais d’Assuérus et croisons le regard énigmatique des sphynges de pierre.
Le silence est roi, les pas résonnent dans l’histoire, écoutez attentivement. N’entendez-vous pas les chevaux piaffant devant le Palais de Mshatta, les chars franchissant la Porte d’Ishtar pour s’élancer vers le désert et, un peu plus loin, les appels des marchands à Milet… ?
Dehors, il faut reprendre notre souffle. Une marche pensive nous amène au Reichstag, où nous retrouvons l’ensemble de notre groupe francophone.
Construit en 1894, le Reichstag abrite le Parlement allemand. L’incendie de 1933 par le parti nazi devient le symbole de la mort de la démocratie. Très endommagé après la Seconde Guerre mondiale, il est vidé de ses députés et souffre de la construction du Mur, tout proche. En juin 1991, le Bundestag vote le rétablissement de son siège et fait appel, en 1995, à l’architecte anglais Norman Foster pour achever la transformation du bâtiment qui sera désormais couvert d’une gigantesque coupole de verre accessible aux visiteurs. Les travaux se terminent en 1999.
Mention spéciale pour l’emballage du bâtiment par Christo en 1995 !
Du sommet de la coupole, nous profitons d’une vue panoramique exceptionnelle sur la ville, ce qui nous permet d’en voir les principaux monuments.
Le soir, nos amies berlinoises accueillent les 250 participantes aux Journées. Saluons cet exploit, car elles ne sont que 75 lycéennes à Berlin !
Nous sommes toutes émerveillées de leur accueil, de leur gentillesse, de leur disponibilité, de l’élégance de leurs appartements. De plus, alors que la plupart d’entre elles sont missionnées tout au long de la journée pour encadrer les différents groupes, elles nous régalent de leurs talents culinaires.
Freitag- Vendredi 22 mai 2015.
Retour à l’île aux Musées pour visiter le Bode Museum, créé par Wilhem von Bode, grand collectionneur, qui, pour la première fois, a voulu présenter des œuvres destinées au public.
On peut y voir un grand nombre d’œuvres dans des matériaux très divers – bronze, marbre, bois, papier mâché, terre cuite ou os – notamment des sculptures de Donatello, dont Saint Jean-Baptiste, exact pendant de Marie-Madeleine, que nous avions admirée et touchée avec émotion l’année dernière dans les Ateliers de restauration à Florence.
Toute une salle est consacrée à Andrea della Robbia et à ses magnifiques céramiques, ainsi que de nombreux chefs d’œuvre du gothique allemand, particulièrement une vision de l’enfer réalisée en os et montrant des corps miniatures qui s’enchevêtrent dans les affres de l’agonie.
À l’entrée du Musée, une gigantesque statue de Frédéric II nous rappelle celle de Louis XIV devant le château de Versailles.
Avant d’aller partager un déjeuner rapide à l’Humboldt Box, quelques-unes d’entre nous descendent au Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, véritable nom du monument, réalisé par l’architecte Peter Eisenman, qui a aligné 2711 blocs de béton de taille variée, sur un sol inégal et volontairement ondulé.
Situé sur le no man’s land qui longeait le Mur, ce monument impressionne par sa grandeur grise et sobre. On marche entre ces dalles de taille différente et grandissante au fur et à mesure que l’on s’enfonce vers l’intérieur.
À l’entrée figure cette phrase de Primo Levi : “Cela a eu lieu, cela peut donc se reproduire. ”
Le silence et cette impression d’égarement accentuée par le manque de lumière évoquent un labyrinthe mouvant traînant vers l’infini et un repentir inextinguible. Malgré cette sensation oppressante, on entrevoit, tout au bout, la lumière et un arbre, vert …
L’après-midi est consacré à une exposition fort intéressante de différentes œuvres réalisées par les lycéennes berlinoises entre 1905 et 1933. À travers cette exposition, le Lyceum Club de Berlin rend ainsi hommage à ces artistes courageuses et engagées qui participèrent, durant cette période, à l’émancipation de la femme et à l’évolution de son rôle dans la société. Ces lycéennes artistes ont durablement contribué à l’image culturelle de la ville de Berlin jusqu’à la prise du pouvoir par les nazis.
Quo vadis Mater ? Le titre de l’exposition se réfère aussi bien à l’une des peintures exposées qu’au rôle changeant et évolutif de la femme, y compris de nos jours. Je ne peux m’empêcher de constater la dimension artistique évidente du Lyceum à cette époque, en regrettant qu’elle n’ait pas perduré avec l’évolution de notre Club et sa réalité aux XXe et XXIe siècles.
Quo vadis Lyceum ? Ne faudrait-il pas engager une véritable réflexion sur le constat que nous nous sommes éloignées de l’un des éléments fondateurs et essentiels de notre association ?
Un court moment de temps libre nous ramène à l’hôtel. Puis nous partons vers 18 heures 30 à la DZ Bank, où a lieu le dîner de gala.
Derrière une façade austère se cache l’une des curiosités du nouveau Berlin : la prouesse architecturale de Frank Gehry et, selon lui, la meilleure chose qu’il a faite. (On lui doit notamment le Guggenheim de Bilbao et la Fondation Vuitton.)
Une structure de verre, de bois et de titane aux parois ondulantes, laisse passer la lumière naturelle, qui éclaire magnifiquement en contrebas les tables de huit personnes dressées pour nous accueillir et autour desquelles se mélangent harmonieusement tous les pays dans une atmosphère chaleureuse et pleine de gaîté.
Alors, une fois encore, comment ne pas souligner cette dimension unique du Lyceum de pouvoir échanger dans toutes les langues ?
Sans même nous connaître, nous sommes unies par le partage des valeurs qui constituent le fondement de notre Club : une solidarité internationale, qui nous permet de favoriser les échanges intellectuels entre femmes cultivées et créer ainsi des liens d’amitié, afin que chacune d’entre nous mesure ce que nous sommes capables de faire les unes pour les autres.