L’impact environnemental des TIC ou l’informatique n’est pas une souris verte §

En plus d’une heure, Françoise Berthoud*, ingénieur de recherches au CNRS, a dressé un tableau de cette question : une vraie gageure compte tenu de la complexité du sujet et de son public, certes curieux, mais globalement néophyte.
Pari gagné à entendre les commentaires des unes et des autres, à l’issue de la soirée : « J’ai tout compris ! », « Quelle présentation astucieuse », « Bravo, c’était vraiment intéressant, alors que je suis venue par curiosité, et que je n’y connais rien » …
Une des clefs de cette conférence passionnante réside dans l’art et la manière, au rendez-vous, cachés derrière une bonne dose d’humour et de simplicité ainsi que dans une connaissance approfondie du sujet que notre conférencière, écologiste de formation , étudie depuis plus de quinze ans , et communique régulièrement à des publics très divers.
Alors que faut-il en retenir ?
D’abord avoir conscience que nous sommes à un point d’équilibre, très fragile, de notre planète, dans la mesure où nous avons conscience de la dangerosité de ces TIC, Technologies d’information et de communication, (téléphones, ordinateurs, tablettes, serveurs, imprimantes etc..) et du fait que nous sommes la seule génération à pouvoir agir contre ces nuisances : c’est donc une énorme responsabilité qui se joue en ce début de siècle.
Un autre point important qui doit nourrir notre réflexion, c’est la notion de cycle, notamment le cycle de vie des objets : extraction des métaux précieux, fabrication, usage, gestion de la fin de vie. Chaque étape génère des catastrophes humaines et écologiques :
Guerres civiles dans les pays producteurs, malformations liées aux conditions de vie des ouvriers.
Epuisement annoncé des métaux rares, dont l’extraction dans des gisements, où ils sont dans de plus faibles concentrations, nécessite de plus en plus d’eau, d’outillage…
Pollution des productions agricoles, par exemple 10%du riz chinois.
Consommation excessive d’électricité, 10% de la production mondiale d’électricité et production de 5 % des gaz à effets de serre, alors que l’aviation civile, par exemple, en produit 2%
Difficultés à recycler ces équipements, puisque, en France, un tiers seulement entre dans une filière de récupération correcte.
A l’opposé de cette notion de cycle, il faut ajouter le fait que notre économie n’est pas circulaire, que l’on est très loin de tout récupérer, qu’un progrès sur un point du globe, génère souvent des dégâts considérables ailleurs. Il faut absolument mettre fin aux transferts de pollution, car il s’agit véritablement d’un problème qui concerne notre planète, dans sa globalité. Il nous faut donc apprendre à le penser, en prenant en considération les impacts lors des différentes étapes de ces équipements devenus très courants : 93%de la population mondiale accèdent à un téléphone et il y a 7 milliards d’abonnements dans le monde !
Mais que faire, maintenant que ces TIC font partie de notre vie et apportent aussi de nombreux éléments positifs, en termes d’économie, de connaissances, et de vie sociale ?
Globalement, les études faites sur ces impacts mettent en évidence trois grands leviers pour contrôler cette course infernale.
Mieux penser, organiser, contrôler la production, grâce à une législation plus drastique, qui pourrait venir de l‘Union Européenne.
Quant à l’utilisation et la gestion de fin de vie, c’est à chacun, état, entreprise, ou simple citoyen, de donner l’exemple, d’être exigeant et vigilant sur les normes des produits achetés et utilisés.
Madame Berthoud nous a expliqué comment le CNRS, gros utilisateur de ces TIC travaille en liaison étroite avec les fabricants et obtient des améliorations. Une formation sur ce sujet dans les grands services publics et les entreprises, permettrait certainement des progrès. Comme dans la fable du colibri, où cet oiseau apporte une goutte d’eau pour éteindre un incendie, et dit aux moqueurs qu’ « il fait sa part » . A chacun d’être colibri !
Pour terminer sur une note relativement optimiste, il faut bien retenir que ces techniques ne sont pas neutres, elles ne sont en soi, ni positives, ni négatives, mais c’est à nous, qui sommes à un tournant de notre civilisation, de les maîtriser et d’en tirer le meilleur pour notre avenir et celui de la planète, qui se jouent véritablement dans ce premier quart du XXIème siècle. L.B.
*F. Berthoud est aussi directrice du Groupe ECOINFO (questions impacts environnementaux).