« Je brode, tu brodes, elles brodent… » par Cécile Leurent

            Mes filles hériteront chacune d’une nappe brodée de mes blanches mains. S’en serviront-elles ? Ou bien estimeront-elles que leur nappe est trop difficile à repasser –ce qui est un peu vrai-, et la garderont- elles dans leur armoire comme une relique ?

            Suis-je une brodeuse experte ? –Certainement pas, je n’ai jamais appris plus que ce que nous faisions en « classe de couture », c’est-à-dire un minimum pour pouvoir recoudre un bouton… d’ailleurs le seul intérêt de ce cours était qu’on se reposait la tête en écoutant la lecture à voix haute d’un livre rarement passionnant.

            Pendant une longue période de ma vie, j’ai été « femme au foyer » et j’ai ressenti le besoin d’une activité créatrice. J’ai commencé par broder des petites fleurs sur les poignets d’un chemisier, puis d’autres motifs, toujours sur des vêtements : un perroquet, un canard, un pigeon… mais vient un jour où l’habit est usé, démodé, on n’en veut plus…

            Je me suis alors lancée dans un ouvrage plus long. En m’aidant des illustrations de livres d’enfants, j’ai imaginé une ronde de poissons au centre d’une nappe blanche ovale, je l’ai dessinée sur papier, puis décalquée sur le tissu… et en avant le coton à broder de toutes les couleurs, les aiguilles fines, le dé, les petits ciseaux !

            Je n’ai aucune méthode, je fais du remplissage au point « lancé plat » – c’est ainsi qu’on appelle cet « art » – c’est très facile !

La deuxième nappe s’appelle « gallinacées » : une famille de cannetons derrière la canne, un coq, sa poule et leurs poussins, un paon orgueilleux… Sur la troisième et dernière : des papillons multicolores, posés en guirlande sur des branches feuillues.

Chaque nappe m’a  pris deux ans… Il faut un peu d’imagination, très peu de technique, de la persévérance et de bons yeux… Ces « ouvrages de dames » sont complètement démodés, c’est peut-être ce qui fait leur charme ?

                                                                                                                           Cécile Leurent