par Philippe Duval , Inspecteur général honoraire de l’éducation nationale
Monsieur Duval a été rédacteur en chef de la Revue Internationale d’Education et membre du comité directeur de la Fédération Française des Maisons de l’Europe. De ce fait, il a pu constater la situation dans les autres pays européens. La comparaison entre les systèmes éducatifs est nécessaire pour s’enrichir et mieux se connaître
L’OCDE mène tous les trois ans des études visant à mesurer les acquis et les performances des élèves des pays membres et en publie les résultats. Cet ensemble d’études est désigné par l’acronyme PISA : programme international du suivi des acquis des élèves.
Il y a de grandes différences entre les systèmes éducatifs car chaque système a ses bases historiques, religieuses, philosophiques et économiques. On ne peut pas comprendre le système éducatif d’un pays si l’on ne tient pas compte du passé historique ou de l’influence religieuse, par exemple. Comprendre un système éducatif c’est retrouver d’abord les racines du pays.
En France, l’empreinte de la religion est très forte jusqu’à Napoléon qui, en 1806, instaure un système éducatif fondé sur le besoin d’une élite : Il crée le Lycée Impérial, un par département ; le mythe du lycée perdure ensuite, antichambre de la construction d’une élite. L’État en France régit tout, nous sommes le seul pays au monde où l’éducation est dirigée par le pouvoir central, il s’agit de fabriquer des citoyens disciplinés. En Finlande, par contre, l’État laisse à chaque école la liberté de choisir ses professeurs et ses méthodes. D’autre part il existe en Europe des traditions religieuses différentes : la tradition protestante, le modèle catholique et l’orthodoxie. Le pasteur protestant n’est pas le représentant d’une autorité supérieure, il accompagne le fidèle et l’aide à comprendre les textes saints ; dans l’église catholique, le croyant obéit au prêtre, médiateur entre lui et le dogme. Dans le premier cas (tradition protestante), c’est l’auto réflexion qui prédomine, dans le deuxième, c’est l’obéissance à ce qui est dit ou écrit. En France, pays de tradition catholique, l’élève écoute le professeur qui possède la connaissance.
Que veut-on privilégier chez les élèves européens ? Dans l’Europe du Nord, l’objectif est de favoriser le développement personnel, de former de futurs citoyens actifs, créatifs et autonomes. En France, le but est de trouver un emploi au sein d’une hiérarchie prédéfinie. L’Europe ne peut être unique dans le domaine de l’éducation. Dans les écoles européennes sont demandées des choses très différentes : en France l’objectif est l’émancipation par le savoir, en Grande- Bretagne il s’agit avant tout de promouvoir le développement personnel, au Danemark de favoriser l’apprentissage de la responsabilité et de l’autonomie. Ce sont d’ailleurs les pays scandinaves qui ont inventé l’année sabbatique, au cours de laquelle le jeune fait le tour du monde pour acquérir de nouvelles expériences, avec un financement fourni par l’État. En Finlande, l’école est un lieu de vie où les élèves apprennent à avoir confiance en eux, ils savent que l’enseignant est là pour les aider, ce dernier se soucie d’abord de savoir si l’élève a compris, il est plus important de comprendre que d’apprendre.
Dans les pays sensibles à l’instruction et à la sélection, on a la conviction que le savoir libère : j’accède à la liberté parce que je sais ; l’école doit sélectionner les meilleurs et absorber les différences ; les notations et les classements sont importants, les disciplines elles -mêmes sont hiérarchisées, certaines sont plus nobles que d’autres. Le recours au soutien scolaire, “l’école de l’ombre”, se développe de plus en plus car l’objectif est l’amélioration du savoir.
Et pourtant, que nous révèlent les dernières études menées par l’OCDE en 2015 et publiées en 2016, c’est-à-dire le PISA ? L’examen des résultats montre que les pays qui dépensent plus pour l’éducation n’obtiennent pas forcément de meilleurs résultats que ceux qui dépensent moins. Les pays qui obtiennent les meilleurs résultats en maths, sciences et lecture sont Singapour et Shangaï ; la Finlande est au 4ème rang pour la lecture, au 5ème pour les sciences, au 12ème pour les maths ; la France se situe au 26ème rang pour les maths et les sciences, au 19ème pour la lecture ; les pays du sud, comme l’Espagne et l’Italie, se situent à des rangs encore inférieurs à la France.
Monsieur Duval évoque d’autres différences importantes dans les systèmes éducatifs européens. Les rythmes scolaires sont variables d’un pays à l’autre ; la journée d’un élève français est plus longue par rapport à celle d’un élève allemand, par exemple, qui finit en moyenne à 13h 30, ou un élève finlandais présent à l’école 5 jours par semaine entre 4 et 6 heures. Le nombre de jours passés à l’école dans l’année varie aussi fortement d’un pays à l’autre : les élèves français passent moins de temps à l’école : 144 jours pour les élèves du primaire et 178 jours pour les lycéens, alors que les Italiens et les Danois passent 200 jours à l’école, es Allemands entre 180 et 208 jours selon les Länder. Les conséquences de la semaine de 4 jours ou 4 jours et demi sont que les journées de cours sont plus chargées en France.
Le statut des enseignants est aussi très différent. En France, les enseignants sont des fonctionnaires nommés par le ministère, dans d’autres pays européens le recrutement s’effectue au niveau local par les établissements ou les municipalités. C’est le cas en Finlande où le chef d’établissement procède au recrutement : Après avoir obtenu leur master, les étudiants font acte de candidature dans les communes ou établissements scolaires qui publient la liste de leurs postes vacants, l’entretien d’embauche se passe devant une commission composée d’enseignants, de parents d’élèves et du chef d’établissement, le candidat est interrogé sur son parcours et ses motivations. D’autre part, la fonction enseignante est différente selon les pays : les enseignants français du secondaire donnent moins d’heures de cours que leurs collègues de l’OCDE : 628 heures de cours au lycée alors que la moyenne de l’OCDE est de 656 heures.
En conclusion, monsieur Duval insiste sur le fait que l’école en France n’est plus et ne sera plus ce qu’elle était. Les élèves ne sont plus ce qu’ils étaient, car leur environnement n’est plus le même que celui que nous avons connu ; un véritable tsunami numérique a bouleversé notre société et contraint l’école à changer. Notre système éducatif doit se remettre en question et s’interroger sur ses objectifs : transmettre des connaissances ? des compétences ? des valeurs ? former de futurs citoyens ? des agents économiques ? des individus épanouis ? M.S.