“Une pandémie au Moyen-Âge : la Peste noire” par Mr Alain Jéhan Pneumologue Honoraire du CHU de Caen.
Au milieu du XIVe s., 1347/1352, cette nouvelle maladie apparut en Europe. Rappelons à l’occasion que Louis IX est mort en 1270 de ce que les médecins de l’époque ont nommé “la typhoïde”.
[**Définition de la Peste*], qui peut être aviaire-porcine-brune
En grec ce mot signifie épidémie de typhus ; en latin, fléau ; en Français, peste bubonique (1460)
[**Environnement*] :
Au XIVe s., deux grandes puissances économiques règnent en maitre : Venise, championne de l’expansion économique et qui voit son empire maritime s’étendre de l’Adriatique à la Méditerranée et à la mer Noire, pour le commerce de la soie. Gênes implantée dans la Ligurie actuelle, commerce avec l’Espagne, la Flandre, et la Crimée (route de la soie). En 1346 la ville de Caffa, comptoir génois de la mer Noire, subit l’assaut des Mongols. Les malades sont jetés par dessus les remparts de la ville et leurs cadavres pourrissent en plein air. Ils sont tenus pour responsables de la réapparition de la peste noire. Les survivants poursuivent leurs combats jusqu’à Messine, enfin bloqués par les Génois, mais ils transmettent la maladie par les galères.
Deux formes pour la Peste, cette “mort noire” du XIVe s. qui frappe sans distinction d’âge, de race, de sexe ou de richesse :
La Peste bubonique, transmise par la piqûre de puce, avec bubons, fièvres, masses purulentes, nécrose. La mort frappe en quelques semaines.
La Peste pulmonaire, transmise par voie aérienne. La mort frappe en 3 jours.
[**Les faits*] :
Le Pape Clément VI, qui réside en France, fait jeter les cadavres dans le Rhône, à Avignon. Les cimetières sont pleins à Paris (la Ste Trinité) et, faute de place, les corps sont évacués sur des bateaux nommés “corbeillards”. Certains métiers, comme les bouchers et les boulangers, sont très impactés, d’autres moins, comme les artisans travaillant le fer et le bois. La pandémie, en 1348, est favorisée par la concentration de population, l’insalubrité, le manque d’hygiène et par les nombreux pèlerinages.
En 1347 la peste noire se répand en Crimée, Hollande, Angleterre, Espagne, Italie, Groenland et Russie. On pense que l’on vit l’Apocalypse comme annoncé dans les Evangiles.
1346 marque également le début de la Guerre de Cent ans. Les petites gens sont écrasés sous les impôts par Edouard III d’Angleterre et Philippe de Valois pour financer la guerre ; en France c’est le “fouage” ou le “focage”. Philippe de Valois est fait prisonnier par le “Prince Noir”, fils aîné d’Edouard III, à Poitiers.
Il faut rappeler que la population s’accroit considérablement entre le XIe et XIIIe s. Au XIVe la nourriture fait défaut, on assiste à des changements climatiques considérables ; le froid et la pluie ne favorisent pas les cultures et conduisent à la famine. On note l’apparition de maladies nouvelles comme la grippe, la variole, la scarlatine et la dysenterie.
L’Eglise considère cette épidémie comme le Châtiment de Dieu. Un Franciscain témoigne “Dieu se venge de la méchanceté des hommes”, la notion de Purgatoire apparait alors. Il préconise de faire des offrandes à la Sainte Vierge, à St Sébastien et à St Roch.
On cherche des boucs émissaires ; les responsables seront d’abord “les Juifs”. Rappelons que ceux-ci sont les seuls à pratiquer l’usure en France, ce qui est strictement interdit par la loi. Plus de 500 Juifs sont brulés, puis les lépreux (retour de la 1ere croisade), les mendiants, les pestiférés, les animaux et les chats. On assiste à une véritable répression sociale. Des processions de flagellants et de fanatiques religieux s’organisent pour rendre grâce car certains réussissent à en réchapper, comme le médecin de Clément VI, Guy de Chauliac.
Les traitements couramment pratiqués sont les saignées, les cautérisations, le venin de vipère, les pierres précieuses en poudre, ou celle des cornes de licornes. L’épidémie de Marseille en 1720 a fait 100 000 morts.
Le bilan humain est de 40 à 60 % de décès dans les villes italiennes, et plus de 50 % de la population en Angleterre. À Londres la peste s’arrête avec le grand incendie de 1666. En France il est de 7 millions de victimes sur une population totale de 17 millions d’habitants. Entre un tiers et une moitié des habitants de l’Europe disparaît.
C’est le médecin militaire français Alexandre Yersin (1863-1943), formé à l’Institut Pasteur, qui réussit en 1894 à isoler le virus de la peste (Yersina Pestis) et met au point à Paris, en 1895, avec Calmette et Roux, un vaccin et un sérum contre cette maladie. Dans sa tâche il est aidé par Paul-Louis Simond (1858-1947) qui met en évidence le rôle de la puce du rat dans la transmission de la peste bubonique.
En France, les derniers cas ont été signalés en Corse, en 1945. La dernière pandémie en Orient date de1891, dans le Yunan et à Hongkong.
La peste, bacille le plus virulent du monde, sévit encore. Elle est soignée de nos jours par les antibiotiques.
22 000 cas humains sont déclarés aujourd’hui à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). 1612 malades se trouvent essentiellement dans les 26 pays d’Afrique, au Pérou, à Madagascar. M.N. B