Bonjour, Christine Thiéblemont

Contexte historique

Revenons en Russie en 1825 où se déroule le roman d’Irène Frain. Les relations franco-russes sont excellentes. Les jeunes aristocrates russes parlent français, étudient la littérature française, admirent la France des lumières et ses idées révolutionnaires. Après le coup d’état, le contexte change. Le Tsar se méfie des Français comme de la peste et Pauline devient l’étrangère suspecte qui n’a pas fait le bon choix en s’amourachant d’un criminel d’état.

Regardons maintenant les grands noms de la littérature que Pauline a croisés sur son chemin

Cette petite Française sans famille, à priori insignifiante, n’a pas fini de nous étonner. Je vais vous parler de sa rencontre avec Dostoïevski. En janvier 1850, celui-ci est en route pour le bagne, il fait étape à Tobolsk après la traversée de l’Oural. Il est condamné à 4 ans de travaux forcés en Sibérie et à 6 ans de service militaire. Pauline entend parler de l’arrivée de 3 prisonniers politiques et s’arrange pour être là lors de leur arrêt à Tobolsk.

 Elle va se comporter avec Dostoïevski comme si c’était quelqu’un de sa famille. Elle lui offre des vêtements chauds, de la nourriture et un Evangile, la seule lecture permise au bagne. Dans la reliure du livre, elle glisse un billet de 10 roubles: elle connait le pouvoir de l’argent au bagne. Dostoïevski lira et relira cet Evangile et s’en servira même pour alphabétiser un jeune détenu.

 Incroyable cette Pauline, quelle générosité après 25 années d’abnégation !  Elle sait trouver intuitivement, comme une soignante, les attentions pour l’apaiser et l’aider à affronter le bagne. Dostoïevski s’en souviendra toute sa vie. Il gardera toujours à portée de main cet Evangile quand il écrit et écoutez bien : quand il doute, il prend ce précieux livre, l’ouvre au hasard et pour trancher, il s’en remet à la première phrase en haut de la page à gauche. Mais n’est- ce pas là le rituel divinatoire de Pauline ? Celui qu’elle a utilisé avant de prendre la décision se jeter aux pieds du Tsar ?

 C’est inouï tout ce qui s’est passé dans cette petite heure que Pauline a eu le droit de consacrer à Dostoïevski. D’ailleurs par pudeur et c’est tout à son honneur, elle n’en parlera jamais, même quand il sera très célèbre. C’est Dotoïevski qui évoquera dans ses écrits cette rencontre improbable  qu’il qualifiera de miraculeuse. Il la racontera notamment dans son livre”Souvenirs de la maison des morts”.

Abordons maintenant Alexandre Dumas et Pauline. Mais là, c’est une histoire plus complexe. Que s’est-il donc passé pour que Pauline le déteste autant ?  J’ai cherché dans le roman d’Irène Frain les passages qui peuvent nous éclairer.

Lorsque Ivan est emprisonné dans la forteresse de St Pétersbourg, Pauline est aidée financièrement par un riche Français, Augustin Grisier. Cet homme est un des meilleurs fleurets d’Europe. Rentré à Paris, Augustin Grisier donne des cours d’escrime à Alexandre Dumas et lui raconte l’histoire de Pauline. Alexandre Dumas détourne l’histoire et la réinvente pour écrire son célèbre roman: “Le maître d’armes” , c’est le propre même de l’écrivain, Pauline va l’apprendre à ses dépens.

Ce qu’on sait, c’est que quand elle entend parler de ce roman dans les journaux, elle se reconnaît et elle est anéantie par l’image de gourgandine qu’il donne d’elle. Pauline décide de rétablir la vérité et d’écrire sa vie .

Merci Mr Dumas , c’est grâce à vous en quelque sorte que nous avons le récit de vie de cette femme hors norme et merci Mme Irène Frain d’avoir repris ce récit et d’avoir écrit avec tout votre talent ce magnifique témoignage “Je te suivrai en Sibérie”.

Pour accéder aux différents volets de cet échange, cliquer sur l’une des options ci-dessous :

Revenir à la page d’accueil